Il est important de préciser que les indications suivantes sont à considérer de façon consultative et non pas décisionnelle, avec toute la prudence et l’humilité qui s’imposent. Alors que la question du saut de classe m’est souvent posée, ma réponse immédiate est d’en déconseiller la perspective, sauf situation exceptionnelle, d’abord et surtout parce que l’enfant ou l’adolescent ne dispose pas d’une science infuse ; également parce que l’hypersusceptibilité de certains enfants transforme une faiblesse apparente ou des résultats moindres dans une classe supérieure en véritable calvaire de doute et de remise en question.
Pour ces différentes raisons, j’ai établi ce protocole de perspective de saut de classe.
ASPECT PERSONNEL : La maîtresse ou le maître de la classe de départ doit émettre un avis favorable, tant sur l’aspect strictement scolaire que du point de vue comportemental (tenue en classe et respect des consignes), dans la mesure où l’enseignant(e) observe l’enfant dans une collectivité, et non pas dans le contexte privilégié d’un tête à tête en cabinet libéral ou institutionnel. La saut de classe se mérite et ne doit, en aucun cas, être la conséquence d’un comportement perturbateur, voire odieux, ce qui reviendrait à récompenser la faute. L’enseignant de la classe d’accueil doit également prononcer un avis favorable à la venue de l’enfant. L’enfant doit être conscient de l’importance de cette décision et l’envisager avec enthousiasme ; la moindre hésitation ou des expressions, comme : "Bof ! Pourquoi pas,", sont à interpréter comme un refus.
ASPECT PSYCHOMETRIQUE : L’aspect psychométrique fait intervenir les résultats du WISC-III (Echelle d’Intelligence de Wechsler pour la Période Préscolaire de trois à six ans et demi). Les trois résultats de quotient intellectuel sont à prendre en considération avec toute la prudence requise et le saut de classe passe par quatre conditions : chacun des résultats (verbal, performance, global)doit être supérieur à 125 ;
il ne doit pas exister de dyssynchronie externe, c’est à dire de décalage important entre le résultat verbal et le résultat performance. Il y a dyssynchronie externe lorsque le décalage indiqué par le chiffre des dizaines est au moins égal à deux années (par exemple : 122 et 141, 131 et 152) ;
il ne doit pas exister de dyssynchronie interne dans la partie verbale. La dyssynchronie interne fait intervenir le graphique du détail des résultats et désigne un écart très important entre le résultat le plus faible, quel que soit l’item concerné et le résultat le plus élevé (par exemple : un résultat supérieur à 16 et un résultat inférieur à 9) ;
il ne doit pas exister de dyssynchronie interne dans les résultats de performances. Raisonnement identique à celui du paragraphe précédent.
Remarque : ce qui pose souvent problème dans l’utilisation des tests psychométriques et se solde souvent par une opposition farouche, c’est la confusion entre les notions de potentiels et de restitution des connaissances. Il n’est pas rare d’entendre des personnes dire : "Cet enfant est loin d’être le meilleur, s’il saute une classe, tous les autres élèves aux résultats scolaires plus performants devraient en faire de même !" Le saut de classe entraîne obligatoirement la connaissance du programme de la classe sautée, connaissance qui doit être correcte et vérifiée et non succinte et approximative car une progression existe et s’appuie sur l’antériorité ! L’enfant, l’adolescent, (...l’adulte étudiant !) n’ont pas la science infuse et ils ne peuvent ni dominer, ni maîtriser et encore moins restituer les éléments du programme sans apprentissage, quel que soit leur cursus ou leur cycle !
En fait, le saut de classe peut être envisagé sereinement comme la meilleure des mauvaises réponses à une situation de malaise.
Par contre, si l’enfant est confortablement installé dans son efficacité, s’il est reconnu et non pas considéré "comme celui qui de toute façon connait la réponse", s’il est alimenté de façon proportionnelle à son appétit de connaissances, il n’est pas nécéssaire de changer quoique ce soit ; c’est l’inverse qui pourrait même être dangereux.
C’est seulement lorsqu’il y a malaise qu’une décision de cet ordre s’impose.
Philippe Chamont Vice-Président de l’ALREP Octobre 2004
Parution au bulletin associatif E.P.I (Enfants Intellectuellement Précoces) N°68
Bonjour,
Je tiens à vous rappeller que les messages postés sont d’autant mieux appréciés quand ils sont signés (nom de l’auteur).
Le saut de classe, une récompense ? ? ? Non .
C’est une réponse possible à "l’EIP instable en classe" ayant déjà assimilé (ou maitrisant) un programme.
J’en conviens, les programmes ne sont peut être pas adaptés aux EIP, mais je vous laisse le soin de prouver qu’un EIP peut aborder des notions de classes supérieures sans maitriser celles des cycles précédents. Il est concevable de connaitre des faits historiques, des formules mathématiques, des principes musicaux...mais dans quel but : le savoir pour le savoir ? Je pense que tout EIP aspire non pas seulement au savoir mais à la compréhension de celui-ci. Alors à quoi bon cela peut il servir à un enfant de connaitre en histoire "la révolution" française s’il n’a pas appris auparavent les raisons de celle-ci, la royauté, la féodalité...
Pas de norme formative, mais une logique qui consiste à dire qu’avant de savoir que "2+2 = 2²=-2²= 4 ", il convient de savoir au moins compter jusqu’à 4...
Bonjour, Je suis un peu interpellé par le côté un peu catégorique et systématique de votre protocole. Comme beaucoup de parents d’EIP, je cherche a trouver la moins mauvaise des solutions pour la scolarité de ma fille, pour laquelle le psychologue m’incite à faire un second saut de classe en primaire. Fouinant dans la littérature existante, et j’y ai relevé les quelques points suivants : parmi les risques les plus mentionnés en ce qui concerne la scolarisation des EIP se trouvent l’isolement et l’ennui. Le système scolaire français étant ce qu’il est, les possibilités d’approfondissement ou de diversification sont très limitées, voire nulles. Quitte à être isolé, ne vaut-il pas mieux que l’enfant le soit tout en satisfaisant (un peu plus) son avidité intellectuelle. Le risque d’augmenter le décalage affectif avec les autres enfants est-il réel ou inévitable ? un récent mémoire (indiqué dans le lien ci-dessous) évoque, plutôt qu’une immaturité des EIP, un développement affectif différent de celui des non EIP.
pour éviter l’isolement on parle de l’intérêt pour les EIP de se retrouver entre eux (n’est-ce pas d’ailleurs l’une des vocations de l’ALREP ?). Les regrouper dans le cadre scolaire n’équivaudrait-il pas à accélerer leur scolarité, un peu comme au Lycée Michelet de Nice ?
pour tenter de valider un saut de classe, que penser de la méthode du QI compensé, suggérée par JC Terrassier, consistant à recalculer le QI de l’enfant non plus à partir de son âge physique mais de l’âge moyen de la classe cible ou de la classe actuelle si il y a déjà eu saut de classe ?
un auteur américain (Stéphanie Tolan) estime d’un enfant HQI qui saute une classe commence l’année en connaissant ( ?) déjà 50% du programme. Science infuse ou fonctionnement cérébral différent ?
S’il n’y a pas près du domicile une classe à double niveau ou un établissement privé aménagé, la solution du saut de classe n’est-elle pas souvent le seul recours ?
Bien cordialement