Le protocole de saut de classe

mardi 12 avril 2005.
 

Il est important de préciser que les indications suivantes sont à considérer de façon consultative et non pas décisionnelle, avec toute la prudence et l’humilité qui s’imposent. Alors que la question du saut de classe m’est souvent posée, ma réponse immédiate est d’en déconseiller la perspective, sauf situation exceptionnelle, d’abord et surtout parce que l’enfant ou l’adolescent ne dispose pas d’une science infuse ; également parce que l’hypersusceptibilité de certains enfants transforme une faiblesse apparente ou des résultats moindres dans une classe supérieure en véritable calvaire de doute et de remise en question.

Pour ces différentes raisons, j’ai établi ce protocole de perspective de saut de classe.

ASPECT PERSONNEL : La maîtresse ou le maître de la classe de départ doit émettre un avis favorable, tant sur l’aspect strictement scolaire que du point de vue comportemental (tenue en classe et respect des consignes), dans la mesure où l’enseignant(e) observe l’enfant dans une collectivité, et non pas dans le contexte privilégié d’un tête à tête en cabinet libéral ou institutionnel. La saut de classe se mérite et ne doit, en aucun cas, être la conséquence d’un comportement perturbateur, voire odieux, ce qui reviendrait à récompenser la faute. L’enseignant de la classe d’accueil doit également prononcer un avis favorable à la venue de l’enfant. L’enfant doit être conscient de l’importance de cette décision et l’envisager avec enthousiasme ; la moindre hésitation ou des expressions, comme : "Bof ! Pourquoi pas,", sont à interpréter comme un refus.

ASPECT PSYCHOMETRIQUE : L’aspect psychométrique fait intervenir les résultats du WISC-III (Echelle d’Intelligence de Wechsler pour la Période Préscolaire de trois à six ans et demi). Les trois résultats de quotient intellectuel sont à prendre en considération avec toute la prudence requise et le saut de classe passe par quatre conditions :
-  chacun des résultats (verbal, performance, global)doit être supérieur à 125 ;
-  il ne doit pas exister de dyssynchronie externe, c’est à dire de décalage important entre le résultat verbal et le résultat performance. Il y a dyssynchronie externe lorsque le décalage indiqué par le chiffre des dizaines est au moins égal à deux années (par exemple : 122 et 141, 131 et 152) ;
-  il ne doit pas exister de dyssynchronie interne dans la partie verbale. La dyssynchronie interne fait intervenir le graphique du détail des résultats et désigne un écart très important entre le résultat le plus faible, quel que soit l’item concerné et le résultat le plus élevé (par exemple : un résultat supérieur à 16 et un résultat inférieur à 9) ;
-  il ne doit pas exister de dyssynchronie interne dans les résultats de performances. Raisonnement identique à celui du paragraphe précédent.

Remarque : ce qui pose souvent problème dans l’utilisation des tests psychométriques et se solde souvent par une opposition farouche, c’est la confusion entre les notions de potentiels et de restitution des connaissances. Il n’est pas rare d’entendre des personnes dire : "Cet enfant est loin d’être le meilleur, s’il saute une classe, tous les autres élèves aux résultats scolaires plus performants devraient en faire de même !" Le saut de classe entraîne obligatoirement la connaissance du programme de la classe sautée, connaissance qui doit être correcte et vérifiée et non succinte et approximative car une progression existe et s’appuie sur l’antériorité ! L’enfant, l’adolescent, (...l’adulte étudiant !) n’ont pas la science infuse et ils ne peuvent ni dominer, ni maîtriser et encore moins restituer les éléments du programme sans apprentissage, quel que soit leur cursus ou leur cycle !

En fait, le saut de classe peut être envisagé sereinement comme la meilleure des mauvaises réponses à une situation de malaise.

Par contre, si l’enfant est confortablement installé dans son efficacité, s’il est reconnu et non pas considéré "comme celui qui de toute façon connait la réponse", s’il est alimenté de façon proportionnelle à son appétit de connaissances, il n’est pas nécéssaire de changer quoique ce soit ; c’est l’inverse qui pourrait même être dangereux.

C’est seulement lorsqu’il y a malaise qu’une décision de cet ordre s’impose.

Philippe Chamont Vice-Président de l’ALREP Octobre 2004

Parution au bulletin associatif E.P.I (Enfants Intellectuellement Précoces) N°68


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